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Claire Mercier était scénariste et réalisatrice. Également théoricienne du cinéma, elle nous laisse un éclairage capital sur le scénario, sa fonction, ses principes, et même ses (mauvais) usages. Elle a consacré de nombreux développements à ce qu’elle appelle autrement la « cinéfable ». Son ouvrage majeur, La Cinéfable, entre drame et récit, qui manquait encore pesamment à la compréhension de l’exercice scénaristique, n’est pas un de ces dérisoires manuels du scénario. Il est, comme l’indique son sous-titre, un « anti-manuel », une conjuration des pratiques convenues du monde « professionnel », un panégyrique à la créativité, à une poétique libre et personnelle.
Rendre hommage à Claire c’était repartir à sa rencontre, dans ses textes, mais aussi la retrouver dans ses films, dans ceux qui l’ont fascinée, inspirée, ceux qu’elle a inlassablement étudiés et aux premiers rangs desquels figurent les œuvres jumelles de la RKO que sont King Kong et Les Chasses du comte Zaroff. Venaient ensuite, dans l’exhumation de sa thèse, des textes moins attendus, notamment sur deux films d’avant-garde des années 1920, L’Homme à la caméra de Dziga Vertov et Les Mystères du château du Dé de Man Ray ; et dans un autre élan littéraire, l’analyse du tourbillonnant Acrobate de Jean-Daniel Pollet. Elle s’est également beaucoup intéressée aux vies multiples du scénario de Il est difficile d’être un dieu, repris par Guerman toute sa vie durant, et dont elle initie la publication posthume dans la collection qu’elle a créée : Le parti pris du cinéma.
La cinéfable pour Claire Mercier est un exercice littéraire à part entière, qui « appelle et fait surgir un film »1 MERCIER Claire, La cinéfable, entre drame et récit. Anti-manuel de scénario, L’Harmattan, Paris, 2017, p. 73 et qui fait œuvre avant lui. Le film n’en est qu’une extension possible, une interprétation, qui ne l’épuisera jamais. La cinéfable est cette structure hybride dynamique, prise dans les contingences d’un langage spécifique et, déjà, les puissances des images et des sons. Peu de films incarnent comme Le Camion de Marguerite Duras ce devenir du récit et des visions, que l’auteure partage ici avec celui qui pourrait être l’acteur du film ; ou encore l’évocation faite film d’un scénario jamais réalisé par Jean-Luc Godard, Lettre à Freddy Buache. La cinéfable pouvant hériter de l’aspiration à l’illusion mimétique, et donc de la fable classique, aristotélicienne, comme de son alternative moderne, il était intéressant de s’intéresser à l’adaptation cinématographique du mythe antique. L’Œdipe roi de Pasolini semble de ce point de vue indépassable, qui orchestre le spectacle du drame antique mais secrète simultanément son propre discours critique, renvoyant le spectateur à lui-même.
Il s’est ensuite agit de dégager de « l’anti-manuel » les concepts ou notions maîtresses, que les films pouvaient venir éclairer. Claire Mercier montre comment la cinéfable reprend ou décline les principes ancestraux de la fable, laquelle commence inévitablement par le commencement. Encore faut-il savoir commencer, du point où il apparaîtra nécessairement « naturel qu’autre chose existe ou se produise » (Aristote, Poétique)… Le film d’Aki Kaurismäki s’ouvre sur un coup du sort : un homme perd tragiquement toute attache à son passé. Dès lors le destin de toute une vie est changé. Tout ce qui existait n’est plus, et tout ce qui peut advenir proviendra de cette situation nouvelle… Le pas de trop, est une autre forme du commencement. Il est d’une certaine manière une occurrence moderne de la « faute » du drame antique par laquelle le personnage s’aliène les dieux. Un geste « le détache à jamais du chœur (…), qui le détache définitivement des autres, et le distingue de lui-même »2Ibid., p. 10 . Tel Œdipe, ou le personnage de Profession : reporter, il s’est perdu, seul, par sa folie… Il nous a semblé qu’une autre modalité moderne de la fable qui fait débuter le récit depuis la fin du drame pouvait être envisagée : le commencement par sa fin. Le procédé ne change ici rien à l’enchainement naturel des faits mais au contraire les met en perspective, en accentue la logique, voire la fatalité.
La stase et la péripétie désignent eux « un en-deçà du scénario »3Ibid., p. 132 . « La stase coïncide avec (…) ce moment où (…) le mouvement de la fable marque un arrêt, se repose, (…) se révolte contre lui-même »4Ibid., p. 118. « Le «scénario» semble suspendu (…). L’action ou l’intrigue est déposée ; plus justement elle est délaissée. (…) Le présent fait irruption »5Ibid., p. 120. La péripétie a une autre fonction de dysfonctionnement. C’est une « coupe », une sortie de route du scénario. Un événement extraordinaire, invraisemblable, « au lieu d‘épouser le développement de l‘action, arrête ou troue celui-ci, voire le brise »6Ibid., p. 131. Le film Los Muertos de Lisandro Alonso nous a paru faire de la stase un principe général. Et quel autre film mieux que le Psychose d’Hitchcock pouvait illustrer ce principe de sortie de route qu’il reprend à la lettre ?
La figure de la statue, que nous avons étendue à l’architecture, matérialise un contrechamp historique et symbolique aux gesticulations existentielles des protagonistes du récit, au présent du drame ou du film. Elle incarne une sorte de présence/absence, un regard, un commentaire implicite, quand elle n’est pas elle-même directement interrogée par le réali- sateur, comme le montre l’échantillon des œuvres proposées. Cet « espace interrogatif »7 Ibid., p. 103 est aussi un procédé de distanciation. L’indissociabilité du drame du discours critique – notamment depuis Brecht – est devenue une des caractéristiques les plus manifestes de la modernité. Diverses modalités sont évoquées, dont la mise en scène et bien sûr le montage, qui architecturent les œuvres d’Avi Mograbi, Harun Farocki ou Chris Marker. Le Fond de l’air est rouge illustre également une autre dimension qui ne fait qu’affleurer dans l’ouvrage, celle politique. Toute personne ayant approché Claire sait qu’elle lui était pour ainsi dire consubstantielle. La révolution se faisait pour elle à tous les étages des classes et des formes cinématographiques. « Le cinéma a la passion du mouvement et non celle du format »8Ibid., p. 86 écrit-elle.
Enfin, nous nous sommes focalisés sur les scénarios de Claire devenus films, le Esther Khan de Desplechin auquel elle participe au moment de la gestation du projet, et Une place sur la terre de Fabienne Godet.
Exceptionnellement, les séances du premier semestre se tiendront sur la plateforme VOD de la bibliothèque universitaire. Les films seront disponibles le MERCREDI dès 12 h, et pour une durée de 24 heures à l’adresse suivante : https://www.vod-paris8.medialib.tv
Nous espérons, au second semestre, pouvoir reprendre les séances en salle de projection Bleue Nuit Tropicale, A1 181 – Bâtiment A.
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