L’Homme orchestre / The Playhouse / L’Invasion des profanateurs de sépultures

Cette séance, centrée sur le multiple comme duplication visuelle, finit par relier les films au principe du clonage, investigué magistralement et sans doute pour la première fois de manière explicite dans la fameuse Invasion des profanateurs de sépultures de Don Siegel. Mais les infinies possibilités du dédoublement permettaient déjà à Georges Méliès, campant un facétieux chef d’orchestre, de se multiplier afin de former un ensemble musical. Elles permettaient aussi à Buster Keaton dans The Playhouse de jouer de ses propres doubles, s’appropriant tout à la fois la scène et le public d’un théâtre.

Adapté d’un récit paru dans un magazine, Invasion of the Body Snatchers dépeint l’histoire d’un médecin qui réalise que la population de sa petite ville est progressivement remplacée par des doublons extraterrestres. Le film, sorti aux Etats-Unis en 1956, joue ainsi sur la coexistence de plusieurs univers, et donne forme à une angoisse ultime dans les années 1950 : la colonisation par une forme de vie venue d’une autre planète.

Représentation d’un monde ambigu et inquiétant dans L’Invasion des profanateurs de sépultures, sensible et comique dans The Playhouse, purement formel dans L’Homme orchestre, ces films interrogent, par la reproduction à l’identique de la personne humaine, non seulement le statut du double mais le rapport des autres personnages à ce dernier.

Mais comme le prévient l’un des personnages du film de Don Siegel en déclarant : « demain, tu seras identique à tous les autres », dans le clonage, ou la substitution, s’il n’y a pas de transformation, il y a une modification ; où il s’agit de gagner, ou surtout de perdre, quelque chose : une identité.

Aurore FLEUTOT