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Le Pays où rêvent les fourmis vertes

La terre, sans dessus-dessous

Werner Herzog ne met pas innocemment ici en prise dans l’industrie minière et les aborigènes. Ce qui est convoité, plus encore que la terre elle-même, pauvre et sèche, c’est son sous-sol. Les « ressources naturelles », vieilles de milliards d’années, représentent on le sait dans les civilisations « modernes » une immense source de richesse et donc de convoitises. Les apparents bienfaits des énergies fossiles s’accompagnent pourtant d’une multitudes de problèmes, aux conséquences sociales directes : guerres, mouvements de populations, pollution des sites d’exploitation et des océans, responsabilité principale du réchauffement climatique, etc.

Les Wororas et les Ritajingus vénèrent quant à eux depuis 10 000 ans sur ce lieu sacré les fourmis vertes, figures totémiques des Ancêtres, résidents du « Monde du Rêve éternel » situé symétriquement sous le nôtre. Les Ancêtres ayant créé pour les premiers, à l’image du leur, le monde terrestre, les tribus aborigènes ne peuvent le transformer sans leurs connaissances. Connaissances précisément enfermées dans les minéraux évoqués plus haut… De toute éternité, les aborigènes puisent donc du dessous, dans la pratique du rêve, les conseils des Ancêtres. C’est ainsi qu’ils parviennent à acquérir la « sagesse naturelle », et à « maintenir leur société, qui ne connaît ni soucis matériels, ni possession individuelle, ni pouvoir »1« Regard sur la civilisation aborigène », Betty Villeminot, Les Cahiers jungiens de psychanalyse – 103, 2002, Paris – une société de Chamans, sans chefs –, et « qui procure à tous les individus une sécurité économique et morale ainsi qu’une raison de vivre transcendante, en relation vitale avec toutes les autres formes de vie, animales, végétales ou minérales »2Idem. Le présent, cette réactualisation permanente de la vie terrestre n’est possible pour eux que par cet accès onirique à l’espace-temps du dessous. Le réel n’existe pas sans cette unité des deux mondes. Enlever à un aborigène ce lien vital avec ses ancêtres, nous explique les anthropologues, c’est lui enlever toute envie de vivre. Tragédie en cours en Australie…

Ainsi une philosophie de la vie s’oppose ici à la géologie et aux appétits insatiables du profit. Combat évidemment inégal, où les hommes qui n’ont aucune culture de la guerre et des luttes sociales, et qui appartiennent à la Terre mère s’éteignent devant ceux qui croient la posséder. Au début du 21ème siècle, il ne fait plus de doute que le primitif n’est pas celui qu’on croît…

Grégoire Quenault
Le pays où rêvent les fourmis vertes (Extrait)
  • 1
    « Regard sur la civilisation aborigène », Betty Villeminot, Les Cahiers jungiens de psychanalyse – 103, 2002, Paris
  • 2
    Idem
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