Vraie révolution ou lubie d’une innovation ?
Avec les récentes sorties des longs métrages d’animation Volt et Monstres contre Aliens dotés de projections d’une image en trois dimensions, la question de la légitimité de l’emploi de cette « nouvelle » technologie se pose. De nombreux professionnels du cinéma voient en la 3D une nouvelle étape majeure dans l’histoire du Cinéma. Les passages au parlant, à la couleur et bien plus tard au numérique ont, à leur époque respective, bouleversé profondément la manière de réaliser un film. Nous sommes en droit de nous interroger sur cette incursion, plus ou moins discrète, d’une nouvelle technologie dans nos salles conventionnelles de cinéma.
Il est clair que le cinéma en 3D ne date pas d’hier. De nombreuses tentatives s’essayèrent à développer l’image au-delà de l’écran durant les dernières décennies. Mais ces derniers temps, le cinéma en trois dimensions n’était réservé qu’a une certaine gamme de salles équipées pour la projection ou à des cinémas à sensations. Dans ce système, seules des productions expérimentales étaient financées pour rentabiliser le développement des infrastructures concernées. Le meilleur exemple en France reste bien évidemment le parc du Futuroscope dans la Vienne rassemblant les différentes expériences de cinéma en relief ou dit IMAX. Des courts métrages et des documentaires furent longtemps exploités comme des spectacles à part entière du fait de leur perception accrue pour les spectateurs. Par manque de moyens, mais avant tout de prise de risque pour investir dans ces nouvelles technologies, nécessitant deux caméras simultanées ou une longueur de pellicule spécifique doublée, les producteurs de films plus « classiques » délaissèrent un temps la 3D et l’IMAX aux oubliettes.
Pourquoi le cinéma en 3D se redéveloppe-t-il de nos jours ? La raison la plus évidente est bien entendue l’extension du numérique dans les différentes branches de la cinématographie et les nouvelles techniques qui en sont issues. La numérisation des films est effectivement la dernière révolution en date qui modifia littéralement le cinéma. A partir de ce point ont pu se poser de nouvelles questions quant aux multiples opportunités que permettait enfin la technologie numérique. Avant la 3D, il faut rappeler le retour des projections en format IMAX de blockbusters américains dès 2002 avec Star Wars Episode II – L’Attaque des Clones. Pionnier dans cette nouvelle ère, George Lucas avait tourné entièrement son long métrage avec les dernières technologie numériques de pointe qui lui garantirent un rendu de qualité d’une pellicule 70mm une fois projetée sur un écran gigantesque. Une minorité de films américains à gros budget suivirent timidement cette tendance. Ainsi l’on put voir Matrix Reloaded (2003) ou encore Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban (2004) diffusés dans des salles IMAX avec une image d’excellente facture, car il faut rappeler que la netteté d’une image est proportionnelle à la taille du photogramme sur la pellicule sur laquelle elle est enregistrée. Ici, la numérisation du film garantissait sa qualité plastique en IMAX, loin d’un agrandissement depuis une copie standard de 35mm.
La raison de la discrétion de ces versions IMAX des longs métrages traditionnels est avant tout le manque cruel de salles équipées pour ces projections spécifiques. L’évolution des séances IMAX suit la progression des salles spécialisées dans le parc des cinémas nord-américains. Avec le développement des bandes sonores multipistes (Dolby Digital, DTS, SDDS) durant les années 1990, les exploitants durent s’adapter. Cette nouvelle norme technique leur imposa de s’équiper de lecteurs son et d’amplificateurs correspondants, ainsi que de nouvelles enceintes pour que l’immersion sonore soit complète pour le spectateur. De la même manière pour l’image, la numérisation des salles nécessite l’achat de nouveaux matériels capables de projeter des images numériques avec une haute définition. Alors qu’aux Etats-Unis la question se régla rapidement aux frais des exploitants, la question fut plus tranchée en France, faisant naître le débat de la réelle rentabilité de l’achat d’un projecteur numérique. A cette époque, le coût d’un seul projecteur s’élevait au alentours des 100 milles euros. Le prix des plus dissuasifs, la faible quantité de longs métrages distribués sur support numérique et l’indifférence la plus totale des spectateurs à la qualité de l’image – lors des premières projections en numérique, le spectateur devait débourser un supplément pour bénéficier de ce confort de l’image – refroidirent rapidement les ardeurs des professionnels. Un accord fut finalement trouvé entre les distributeurs et les exploitants et plusieurs cinémas en France sont dotés d’une salle avec un projecteur numérique, mais à une cadence bien moindre qu’outre-Atlantique.
Des nombreuses possibilités que permettent enfin les projecteurs numériques, la diffusion de films en trois dimensions en fait partie. Avant l’avènement de cette technologie, la projection en 3D nécessitait deux projecteurs (pellicule) spécifiques. Les deux retransmettaient simultanément deux images superposées différentes, car prises d’un angle divergent pour simuler l’effet de profondeur dans le cadre. L’obturation d’une image à l’autre devait être encore plus rapide que la plus classique des vingt-quatre images par secondes étant donné l’ajout d’un projecteur supplémentaire. Ensuite, les lunettes fournies à chaque spectateur jouent avec cette obturation pour rendre au spectateur une habile combinaison avec une profondeur simulée des deux images. Aujourd’hui, la numérisation du cinéma contribuera largement au retour de l’image en relief dans les salles plus conventionnelles. Désormais, la présence de projecteurs numériques permettant de retransmettre les deux images combinées et les lunettes polarisées, reliées de manière sans fil au dispositif, garantissent des bases solides pour une diffusion d’un métrage en trois dimensions dans des salles non élaborées à leur conception pour ce type d’expérience cinématographique. L’essor de projections IMAX allant de paire avec la multiplication de cinémas spécifiques, celui des projections 3D se libère en quelque sorte de la contrainte de l’exclusivité technique et nos cinémas habituels peuvent enfin accueillir des films en trois dimensions. Cependant, la technologie développée actuellement en est encore à ses balbutiements et montre quelques imperfections (des reflets bleutés sur les parties extérieures de l’écran).
Cet envahissement des salles classiques par la 3D se repose sur le nombre croissant de projets cinématographiques travaillés précisément pour être reçus en relief. Il s’agit même d’une croissance devenue quasiment exponentielle. La révolution numérique y est ici aussi pour quelque chose, principalement dans le domaine de l’animation, véritable fer de lance du cinéma en trois dimensions actuellement. Le succès retentissant des longs métrages des studios Pixar, technique comme cinématographique et suivit par ceux des studios Dreamworks et Disney, établit de nouvelles normes pour le cinéma d’animation, délaissant de plus en plus les films dits plus « classiques » dans leur support graphique (les mythiques studios Disney avaient fermé un temps leurs studios d’animation pour se concentrer sur les images de synthèse). L’un des premiers à tester la 3D auprès des audiences fut Le Pôle Express, de Robert Zemeckis en 2004. Entièrement en images de synthèse, le film avait été développé pour une diffusion en relief et le peu de salles équipées avaient projetées le long métrage. De leur côté, après avoir sortiChicken Little l’année suivante et à la vue de son succès, les studios Disney réitérèrent l’expérience en développant un nouveau système : transposer un film classique en trois dimensions. Ce fut L’Etrange Noël de Monsieur Jack de Tim Burton et Henry Selick qui fut mis à l’épreuve l’année suivante. Découpé en différents plans dans l’espace, une profondeur de champ était recrée pour être perçue en 3D lors de sa projection. Un succès à nouveau pour le cinéma en relief et un engouement, partagé entre spectateurs, studios et distributeurs, affirmé. La fièvre Disney s’étendant au reste de leur catalogue : les futurs Là-haut et Toy Story 3 relanceront une grande politique de mise en relief des autres longs métrages, dont La Belle et la Bête et Tarzan sont déjà les premiers longs métrages d’animation 2D à gagner plus de profondeur dans l’image. La révolution 3D était alors en marche…
Bien que cette année encore, certains irréductibles produisent des petits bijoux d’animation comme Brendan et le Secret de Kells (Tomm Moore) et Ponyo sur la Falaise (Hayao Miyasaki), les grands studios hollywoodiens d’animations se battent littéralement pour créer de nouvelles technologies afin d’explorer toutes les possibilités qu’offre la troisième dimension à un long métrage. Disney Digital 3D pour les uns, Intru 3D pour les autres, les marques et les brevets pleuvent dans ce nouvel univers impitoyable ! Pour la promotion deMonstres contre Aliens, une bande-annonce fut exclusivement diffusée en trois dimensions lors de la finale du Superbowl. Pour cet événement, près de 125 millions de paires de lunettes furent distribuées à cet usage. De plus, les techniques se perfectionnent en coulisses. Pour ce même film, une vraie caméra a été conçue pour se déplacer dans un décor virtuel en trois dimensions par les studios Dreamworks. Il est clair désormais que la 3D est un argument de poids pour un long métrage d’animation. Au souvenir du Voyage au Centre de la Terre (2008) d’Eric Brevig, les longs métrages avec des vrais acteurs à l’image commencent aussi à être pensés en 3D. En plus d’être une expérience IMAX, le Superman Returns de Bryan Singer présentait aussi quelques passages en relief. D’autres films minorés, car provenant, par exemple, du genre de l’horreur et d’une mise en scène classique peu mémorable (Meurtres à la Saint Valentin, Scar) ou encore un concert du mythique groupe musical U2 tiennent timidement la présence de la 3D dans les cinémas conventionnels. Mais des projets à venir les plus attendus, ce sont le Tintin de Steven Spielberg (reprenant la technologie du Pôle Express), la saga Star Wars de George Lucas (transposée tel L’Etrange Noël de Monsieur Jack) et les prochains films de James Cameron et de Tim Burton, respectivement Avatar et l’adaptation d’Alice au pays des merveilles (tous deux développant de toutes nouvelles techniques en matière d’effets spéciaux) qui entretiennent l’utopie d’une généralisation pure et simple de la troisième dimensions au cinéma
Paraissant de moins en moins comme un gadget, la 3D a enfin su percer le cocon de la simple phase de test et commence à se systématiser, avant tout dans le cinéma d’animation. D’une apparition timide, la présence de films en relief est relayée comme un gage de qualité et un argument de poids pour son succès au niveau des entrées, garantissant au spectateur une véritable expérience visuelle que l’on ne peut retrouver chez soi, le cinéma luttant aussi contre le développement dans les foyers des fameux home cinemas. En dehors des salles, c’est aussi une innovation supplémentaire permettant de briser nette l’avancée du piratage. En effet, l’image filmée sur l’écran est illisible et empêche concrètement la diffusion de screeners (ces longs métrages filmés à même l’écran par un caméscope) sur Internet. L’exclusivité de l’expérience du cinéma en relief et la lutte efficace contre le piratage des œuvres cinématographiques faisant partie des nombreux atouts que compte la 3D, cette dernière est devenue une valeur non négligeable par les professionnels. La question de sa viabilité à long terme réside dans l’assiduité des productions à favoriser ce nouveau format et à penser la mise en scène directement en trois dimensions.
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