Les récits sont tous des récits de désintégration »1Béla Tarr, Damnation, 1988 selon Béla Tarr. Le désespoir ultime ne serait-il pas celui de la désintégration de notre monde, terre sauvage défigurée, friche industrielle décrépie nous laissant errants, fous ?
En 1974, l’artiste Joseph Beuys se fait transporter en ambulance et enfermer dans la galerie René Block, à New-York, seul, face à un coyote, durant trois jours. Sa performance sera filmée et montée en un court métrage de 40 min. Une décennie plus tard, Béla Tarr livre avec Damnation, premier long-métrage de sa trilogie dite « démoniaque », une vision de l’errance et de la déchéance humaine, se croisant et s’affrontant au milieu des charognards au sein d’un monde post-industriel délabré.
Dans ces deux œuvres, l’espace urbain est usé comme un monde de l’après. Joseph Beuys et son compagnon d’infortune évoluent dans une pièce sale, froide, grillagée, où résonnent épisodiquement des bruits mécaniques. Scansions sonores qui se font également entendre parmi les constructions insalubres et broyées de Béla Tarr. Mondes du post-industriel, donc bien de l’après, la temporalité y est ainsi très importante, conçue étirée, arrêtée : chez Beuys la performance s’étale sur plusieurs jours, et chez Béla Tarr les plans séquence s’étirent à n’en plus finir. L’idée prégnante, obsédante, lancinante, est celle que le mal est fait, comme le chante la chanteuse du Titanik Bar, repère des naufragés de Damnation : « tout est fini, et il n’y aura plus rien d’autre »2Béla Tarr, Damnation, 1988.
Le motif commun du chien errant apparait dans ces deux œuvres à la fois comme la représentation d’un rapport à l’environnement, mais aussi comme un miroir de nous-même. Le face à face avec l’animal, frontal chez Beuys, met en exergue à la fois une opposition et une ressemblance de l’homme et du canidé. Ils figurent, l’un une urbanité mortifère, l’autre un monde sauvage en perdition. Mais déterminés par ce monde morne et mort, nous sommes tous, finalement, des vagabonds. Comme dé-évolués, l’homme, être « veule », retourne lui-même au langage animal, et vit une même « errance fébrile »3Lucie Wright, Emeric de Lastens, « Ecce Homines, La pesanteur et la grâce selon Béla Tarr », Vertigo, n°41, 2011, p. 86-95.
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