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At Sea / Marée noire, colère rouge

léviathans

Les développements de l’économie au vingtième siècle se sont accompagnés d’une intensification considérable des échanges et leur mondialisation. Le fret maritime représente près de 90 % du commerce mondial, via une flotte fantôme de plus de 100 000 navires qui, bien qu’elle occupe jour et nuit tous les océans, est quasi invisible depuis la terre ferme. Dans la démesure de cette logique, les déjà monumentaux cargos ont ainsi fait place à de gigantesques porte-conteneurs. Ils ne véhiculent plus concrètement des marchandises mais donc, d’énormes conteneurs, dont l’intermodalité et la multimodalité permet un flux continu du convoyage des trains aux avions, aux camions, pour des trajets toujours plus lointains et plus absurdes.

Ces monstres des mers, véritables léviathans des temps modernes, dont la taille sans cesse croissante crée des problèmes architecturaux et portuaires inédits, incarnent aujourd’hui les maux du consumérisme, la globalisation, les circuits longs, la folie des grandeurs, l’outrance des profits… Bien que d’apparence plus discrète que dans le mythe biblique, il est bien ce désastre capable de modifier la planète, d’en bousculer l’ordre et la géographie, sinon d’anéantir le monde. Dans At Sea, le sublime film de Peter Hutton,nous assistons à sa conception, sa déchéance et son abandon pur et simple, à l’état de vulgaires carcasses dans les pays nécessairement peu regardant du tiers-monde, pour leur désossage.

Mais le transit maritime intervient aussi dans l’exploitation des énergies fossiles, déjà responsable de la pollution systématique des sites d’exploitation, du réchauffement climatique consécutif à l’émission de CO2 à toutes les phases de son utilisation. Ces matières fossiles, infime partie de la matière morte et non recyclée par l’écosystème de la biosphère, sont par ailleurs cancérogènes pour les êtres humains, et non humains… Pour les transporter dans les proportions requises par des industries toujours plus avides, voient également le jour les supertankers. Nous pensions avoir vu le pire. Nous touchons le fond quand ces derniers exposent, dans toute leur vulnérabilité, leurs ventres ouverts, dans la longue liste des tristement célèbres Exxon Valdez, Erika, Prestige… En 1978, c’est sur les côtes bretonnes qu’une première fois se déversent par centaines de milliers de tonnes les boues toxiques et dévastatrices de l’Amoco Cadiz. René Vautier, le plus célèbre des cinéastes militants et écologistes ne peut faire autrement que de rendre compte de la catastrophe dans Marée noire, colère rouge.

Grégoire Quenault
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