Watchmen | |
2009 – USA / Royaume-Uni | |
163' – 2,35:1 - Couleur - SDDS / DTS / Dolby Digital - 35mm / 70mm (IMAX) / DCP | |
Réalisation | Zack Snyder |
Scénario | David Hayter, Alex Tse |
Musique | Tyler Bates |
Image | Larry Fong |
Montage | William Hoy |
Production | Larry Gordon, Lloyd Levin, Deborah Snyder |
Avec | Jackie Earle Haley, Patrick Wilson, Malin Akerman, Matthew Goode, Billy Crudup... |
Fiche IMDB | http://www.imdb.com/title/tt0409459 |
Le crépuscule des Dieux
Il a fallu plus de deux années au jeune metteur en scène américain Zack Snyder pour adapter sur grand écran ce qu’en vingt ans d’autres réalisateurs plus expérimentés comme Paul Greengrass ou Terry Gilliam n’ont pu concrétiser. Le roman graphique Watchmen d’Alan Moore et Dave Gibbons trouve enfin son avatar cinématographique en ce long métrage de 2h40 des plus réussis comme des plus dérangeants.
Dans un 1985 alternatif où les super-héros en costume ont changé le cours de l’Histoire, gagnant pour les Etats-Unis la guerre du Vietnam comme de faire perdurer Richard Nixon à la tête du pays, le monde est au bord d’une Troisième Guerre mondiale nucléaire. Le Comédien, l’un des « Gardiens » à la retraite est défenestré. S’ensuit une enquête menée par Rorschach, l’un de ses anciens coéquipiers, afin de confondre le meurtrier de l’un des derniers super-héros du vingtième siècle.
Qui sont les watchmen ? Une question des plus légitime pour nous européens qui n’avons que trop peu de culture au niveau des comic books américains. Mais Watchmen est avant tout loin d’en être un. C’est un roman graphique en douze volumes, publiés entre 1986 et 1987, et reconnu par le magazine Time comme la seule œuvre illustrée à faire partie des cent meilleurs romans en langue anglaise écrits depuis 1923. Un récit des plus épais, une vraie réflexion sur l’Histoire et sur les influences qu’elle peut subir de l’intervention de protagonistes aussi peu communs que ces gardiens. Le point le plus intéressant reste l’impopularité dont ces derniers font preuve auprès de la population, remettant ainsi en cause tout ce que en quoi la plupart des autres super-héros dessinés nous ont fait croire jusqu’à présent. Beaucoup seront alors déçus en allant voir ce film en y espérant une grosse production hollywoodienne quelconque sur des héros bienfaiteurs en costumes voulant sauver le monde. Il faut savoir que les Watchmen en sont l’exacte antithèse. Vue comme le Citizen Kane des romans graphiques, l’œuvre d’Alan Moore retrace une aventure humaine au ton sombre et pessimiste sur l’avenir, rythmée comme un compte à rebours vers l’apocalypse. Sa profondeur et sa richesse de références répondent par l’extrême violence et le fatalisme implacable dont nous avaient toujours protégé les surhommes incorruptibles aux allures divines comme Superman. Tous ces enjeux cruciaux qu’impose ce roman graphique unique sont autant de risques pour le film que préparaient Zack Snyder et son équipe.
Le réalisateur de L’Armée des morts s’était déjà illustré avec succès dans l’adaptation cinématographique de romans graphiques avec son précédent 300, relatant les faits guerriers du roi Leonidas et de ses trois cents Spartiates aux Thermopyles. Ce film avait fait une très forte impression auprès du public ainsi que du monde professionnel, principalement par son aspect esthétique des plus originaux, appréciable et contestable. Aujourd’hui c’est au tour des Watchmen d’être sous le feu nourri des critiques et des avis des spectateurs qui seront, sans aucun doute, des plus divisés. D’abord, le film retranscrit en détail le récit original. Il serait impossible de pouvoir en établir une adaptation plus fidèle. Loin de toute réinterprétation, Zack Snyder reprend presque case pour case le roman graphique, en préservant tout d’abord l’époque du récit : ce 1985 différent du nôtre, tout en essayant de nous faire replonger dans l’ambiance de ces décennies passées par l’utilisation de morceaux de Jimi Hendrix ou de Bob Dylan, par exemple. Pourtant, le choc qui dérangera le plus les foules sera la violence bien moderne qui émane des images très ou sans doute trop travaillées par le metteur en scène. Le décalage permanent entre le visuel et l’ambiance, le recours intempestif aux ralentis et l’échelle du récit font naître le doute sur la crédibilité structurelle de l’œuvre. Nul doute que Watchmen dérange, mais avons-nous à faire à la quintessence des films de super-héros ou à un véritable échec cinématographique aboutissant à un film informe et inégal ?
Pour une production d’une telle ampleur, Zack Snyder a pris le pari de rester au plus près du roman graphique. Rempli de contradictions, le film déploie une trame lourde de sa quantité impressionnante d’informations à digérer et souffrant de quelques longueurs dues à une nette carence de scènes d’action. Cette trame reste pourtant incomplète, la version projetée dans les salles est amputée de près de trente minutes de la version du réalisateur. Il est regrettable que le récit ait dû faire l’impasse sur les Minutemen, les premiers héros masqués combattant le crime, et sur le personnage complexe du Comédien, sachant qu’il n’y aura ni suite ni spinoff supplémentaires rattachés à l’univers des Watchmen. C’est un film sur des héros déchus, oubliés volontairement d’un monde bouleversé par leur existence et renonçant à ce qu’ils représentent la Loi. Toute la richesse de l’histoire se fonde à ce niveau de lecture. Habituellement, les super-héros sont une incarnation magnifiée et exaltée de la justice. Les personnages comme le Comédien ou Rorschach dans Watchmen sont loin de ressembler à cette idée que nous nous faisons des héros. Même le concept d’anti-héros ne correspondrait pas à leurs profils, incluant toujours le mot « héros ». Chacun des protagonistes est l’incarnation de sa propre conception de la justice. Certains sont impitoyables avec les criminels et ne s’en cachent pas. Ils sont les symptômes d’un monde à la dérive, au bord de l’holocauste nucléaire et la violence viscérale qui ponctue certaines scènes insoutenables du film est là pour nous le rappeler cruellement.
Au-delà du parti-pris de la surabondance visuelle quasi orgasmique qu’il exprime sans gêne, le réalisateur choisit de prendre des acteurs et actrices habitués aux rôles de second ordre pour le casting de ce monumental Watchmen. Une audace qui s’avère toutefois payante. Les protagonistes les plus difficiles à interpréter le sont à merveille : Jackie Earle Haley fait de Rorschach l’un des personnages les plus charismatiques et les plus perturbants du film ; malgré tous les effets spéciaux, Billy Crudup parvient à nous faire ressentir toute la mélancolie qui habite le Docteur Manhattan et la force primale de Jeffrey Dean Morgan nous fait définitivement regretter la trop grande absence du Comédien à l’écran. Ces super-héros qui n’en demeurent pas moins humains et vulnérables ont la part belle de cette superbe épopée de très bonne facture teintée d’une noirceur aux nuances baroques. Il faut reconnaître que Zack Snyder a accompli une œuvre incomplète. De la surenchère d’effets spéciaux ou de la dimension pachydermique de l’histoire, nous ne saurons définir ce qu’affecte le plus Watchmen dans ses défauts ou ses qualités. Opposé radicalement aux normes d’un cinéma hollywoodien policé et consensuel, le long métrage tient tout de même du jamais vu, tout en montrant les limites artistiques de son metteur en scène pour réinventer son propre style au bout de son troisième long métrage.
Parfait dans son imperfection, Watchmen est un film bâtard qui peut se revendiquer véritable chef d’œuvre comme le dernier des navets de cinéma bis. Seule la director’s cut de 3h10, ou la Watchmen cut de 3h25 incluant les Tales of the Black Freighter – un récit de piraterie en animation dispersé épisodiquement tout au long du film – sauront nous affranchir de ce doute persistant vis-à-vis de cette intrigante fresque artistique contemporaine qu’il serait injuste de juger au premier visionnage. Mais quoi qu’il en soit, il en reste un fantastique travail d’orfèvre. Chapeau l’artiste !
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