L'Instinct de mort | |
2008 – France | |
113' – 2,35:1 - Couleur - DTS / Dolby Digital - 35mm / DCP | |
Réalisation | Jean-François Richet |
Scénario | Abdel Raouf Dafri |
Musique | Marco Beltrami, Marcus Trumpp |
Image | Robert Gantz |
Montage | Hervé Schneid |
Production | Thomas Langmann |
Avec | Vincent Cassel, Cécile de France, Gérard Depardieu, Gilles Lellouche, Michel Duchaussoy... |
Fiche IMDB | http://www.imdb.com/title/tt1259014 |
L’Ennemi public n°1 | |
2008 – France | |
130′ – 2,35:1 - Couleur - DTS / Dolby Digital - 35mm / DCP | |
Réalisation | Jean-François Richet |
Scénario | Abdel Raouf Dafri |
Musique | Marco Beltrami, Marcus Trumpp |
Image | Robert Gantz |
Montage | Bill Pankow |
Production | Thomas Langmann |
Avec | Vincent Cassel, Ludivine Sagnier, Mathieu Amalric, Gérard Lanvin, Samuel Le Bihan… |
Fiche IMDB | http://www.imdb.com/title/tt0411272 |
J’ai toujours rêvé d’être un gangster.
Après sa conquête personnelle d’Hollywood avec son Assaut sur le Central 13, remake du film de John Carpenter, le réalisateur français Jean-François Richet se lança dans l’entreprise la plus ambitieuse de sa carrière : un biopic sur l’un des gangsters contemporains les plus célèbres de France, Jacques Mesrine (à prononcer sans le « s »), intronisé par une presse fascinée « d’ennemi public n°1 ». Cependant, la dimension du projet à laquelle aspirait Richet nécessita sa division, pure et simple, en deux films sortis à la fin de l’année 2008 : L’Instinct de mort et L’Ennemi public n°1.
La première partie commence avec un Jacques Mesrine (Vincent Cassel), jeune appelé pendant la Guerre d’Algérie, où la violence des atrocités commises loin de la France se répercute directement sur un homme, rendant sa réintégration à la société que plus difficile. C’est son ami Paul (Gilles Lellouche) qui le guide vers la petite délinquance, puis progressivement dans la criminalité. Mesrine tente de maintenir une double vie avant que la bestialité qu’il exprime à l’écart de sa famille ne le rattrape définitivement. Traqué par toutes les polices, il n’a d’autre choix que de s’exiler en Amérique. Mais la justice n’en aura pas finit avec lui…
L’Instinct de mort débute avec l’art et la manière que son personnage principal semble afficher. Un film français qui assume complètement sa mise en scène toute hollywoodienne dans ses atours et ses effets en tout genre. La toute première scène, appel à peine voilé au final du second film et de la tragédie qu’il sous entend, en est le meilleur exemple. Une originalité du choix dans les cadres et le montage qui n’aurait put naître dans l’esprit de Jean-François Richet sans un passage dans la machine américaine d’un cinéma à grande échelle. Sans broncher, ce premier volet démarre une mécanique scénaristique bien huilée, bien ficelée, qui ne s’attarde pas sur les détails pour mieux se concentrer sur l’homme qu’était Jacques Mesrine. Basé sur son autobiographie et sur les nombreux témoignages des personnes qui lui furent proches, le récit traite du point de vue de Mesrine l’étau qu’il bâtit de ses mains, entre une vie de famille idéale qui le désire et celle des gangsters qui l’attire. Le spectateur n’aura pas le temps de se préoccuper de cette dichotomie dans les choix cornéliens du « héros ». Jacques Mesrine est bel et bien un salop. De nombreuses preuves de la fougue de sa sauvagerie latente parsèment l’histoire, que ses actes répréhensibles ne font que confirmer sa nature brutale et amorale.
De l’autre côté de l’Atlantique, Mesrine devient ce marginal dans lequel il se reconnaissait. Une bête sauvage, traquée à travers les vastes étendues sauvages du territoire américain. Au milieu de la Vallée de la Mort, la majesté que démontre la caméra de Richet est la preuve que cet homme était un personnage d’une toute autre ampleur que celle des simples mortels lambda. Sous des traits homériques, il lutte pour survivre dans un Quartier de Haute Sécurité canadien : une prison sans pitié où la violence qu’il faisait subir à ses victimes se retourne contre lui, à la puissance dix. Séparé de celle qu’il aime, enfermé dans un box tel un animal, l’âme nue et crasseuse qui gît devant nous n’est que l’image d’une bête sauvage blessée qui se plie aux règles auxquelles elle ne peut échapper pour mieux se renforcer par la suite. Alors que tout semble perdu, Mesrine parvient à planifier une évasion des plus spectaculaire d’un pénitencier aux barrières infranchissables. Et c’est à ce moment précis que le travail du film sur le spectateur le prend à son dépourvu. Bien qu’il fût attesté que cet homme était foncièrement mauvais, nous avons tendance à souhaiter sa fuite de ce lieu sordide, qui nous semble pire que tout ce que le gangster avait put faire. Ses péripéties les plus rocambolesques déconstruites d’une manière toute à fait extraordinaire fait naître chez le spectateur cette envie irrésistible de l’aventure. Ce côté « mauvais garçon » qui nous fascine tous, transgressant les lois et défiant l’autorité, et qui nous manque dans notre petite vie anodine et anonyme, nous est apportée sur un plateau d’argent par un Vincent Cassel d’une grande classe.
De nos jours, le cinéma français donne l’impression de se contenter aux simples comédies romantiques ou dramatiques, préférant snober un cinéma dit « hollywoodien », tout en évitant un cinéma trop expérimental pour ne pas bousculer une audience volatile. Heureusement qu’il existe des Richet et des Cassel dans notre pays pour nous prouver que nous avons toutes les capacités de faire des métrages de qualité que d’autres cinémas étrangers pourraient nous envier. Film majeur, en terme personnel comme historique pour ses maîtres d’œuvre, ce diptyque sur la vie Jacques Mesrine est riche de talents et de pistes que les biens pensants du cinéma français devraient étudier d’un peu plus près. Car l’on dénote trop souvent la survie de la cinématographie française dans son enfermement symptomatique de sa différence et non dans son évolution naturelle vis-à-vis de ce qui lui est étranger en fuyant toute influence qui lui serait extérieure. Bien avant de percevoir une quelconque image du second volet, on salut la performance de Vincent Cassel dans son travail d’interprétation du gangster français, à la limite de la réincarnation. De plus, le reste du prestigieux casting montre aussi que notre pays sait aussi mettre les petits plats dans les grands. Gérard Depardieu est véritablement inquiétant dans le rôle de cet obscur chef mafieux. Cécile de France et Gilles Lellouche sont tout aussi justes dans le ton, et la découverte pour le public français de Deano Clavet en Roger André est tout simplement savoureuse.
De retour en France, Jacques Mesrine se fait arrêter avant une surprenante évasion du tribunal de Compiègne. Les braquages de banques se succèdent et rien ne semble pouvoir arrêter l’ennemi public n°1. Pourtant, depuis longtemps à sa poursuite, le commissaire Broussard (Olivier Gourmet) parvient à mettre la main sur lui. A la prison de la santé, Mesrine fera la connaissance de François Besse (Mathieu Amalric) avec qui il s’évadera de l’établissement carcéral. Attaque du Casino de Deauville, enlèvements, la liste s’allonge pour le célèbre gangster qui fascine les média par le mythe qu’il se forge. Tout finira brutalement ce matin du 2 novembre 1979, à la porte de Clignancourt…
Suite et fin du biopic consacré à Jacques Mesrine, L’Ennemi public n°1 reste dans la continuité esthétique de L’Instinct de mort. La passion qu’exprime le réalisateur pour son sujet est toujours aussi forte et prenante. Les séquences d’actions s’enchaînent d’une cadence effrénée, à la lumière de ce que fut celle de « l’homme aux mille visages », dénomination qui tient toute sa justesse dans ce second film avec un Vincent Cassel métamorphosé. La magie de Richet opère de nouveau et l’on suit avec attention le parcours haletant d’un Jacques Mesrine plus mature, sachant que la seule chose dont il ne pourra s’échapper sera sa propre mort, sous les balles du commissaire Broussard. Le charme dont Vincent Cassel use ici nous touche d’autant plus que son image de gangster sympathique se développe. La célébrité le ronge. Il se veut d’être une légende du quotidien, connu, mais pas invariablement craint par tous. Les touches d’accalmie dans sa sociabilité envers les autres êtres humains gagnent encore plus l’attrait du spectateur qui commençait à se développer à la fin du premier opus. Jean-François Richet établit sciemment un véritable « syndrome de Stockholm », où le gangster violent et brutal devient un bandit au grand cœur. C’est aussi pour montrer comment la presse fut capturée instantanément par la verve de Mesrine. L’interview est un moment important dans le film, tranchant avec le chaos des fusillades. Il présente cet homme soucieux de l’image qu’il donne, cherchant la sympathie de l’opinion en passant pour un héros bravant les carcans de la loi et de l’ordre imposés.
Mais attention, ce diptyque est loin d’en faire le jeu. Alors que Mesrine désire passer pour un martyr pour la postérité, dénonçant les failles d’un système soi disant archaïque, L’Ennemi public n°1 ne dédouane pas les méfaits du criminel. La distanciation maintenue par rapport au personnage implique cette contradiction dont il fait preuve quant à son être et son apparence. Pour remettre les choses au clair, la construction chronologique de Richet se doit d’être à nouveau évoquée. Les deux films commencent le 2 novembre 1979, jour de la mort de Mesrine. La figure de la mort que fait raisonner ce choix du réalisateur sonne comme le chant de sirènes d’un homme à la dérive. Ne sachant plus qui il est, qui il devient, la scène de sa confrontation avec son ami François Besse lui expliquant qu’il « part en toupie » est un cruel rappel à la réalité pour un Mesrine qui s’autoproclame légende vivante. Perdant le peu de soutien et d’amis, une spirale infernale se créé dont le personnage toujours merveilleusement interprété par Vincent Cassel ne pourra en ressortir indemne. Thriller policier aux allures de tragédie grecque, L’Ennemi public n°1 boucle la boucle de L’Instinct de mort, avec un brio et une maitrise de la mise en scène inébranlables. On regrette toutefois que le personnage de Broussard n’ait pas une présence plus significative. Pour l’homme qui réussit à vaincre Jacques Mesrine, une position antagonique au gangster aurait été une approche plus intéressante que la simple participation à l’histoire dont il fait preuve dans le film.
La promotion d’un tel projet cinématographique n’est pas sans complications. L’établissement d’une biographie impliquant des personnes existantes est toujours sujet de polémiques diverses. Il en est d’autant plus vrai pour les films, dont les images sont souvent le vecteur de vérité absolue pour le spectateur. L’approche de Jacques Mesrine par Jean-François Richet est loin d’être aussi prétentieuse, n’oubliant pas de préciser à son audience par un carton introductif que tout ceci reste de la fiction. Mais il est évident que cet effet cinématographique ne l’empêche pas d’établir une trame qui ne plaira pas à tout le monde, la mort de Mesrine en étant le point culminant. La version des faits présentée dans les deux films est celle qui démontre que les hommes du commissaire Broussard ont ouvert le feu, sans somations, afin de mettre un terme à la cavale perpétuelle de Jacques Mesrine. Point de vue évidemment contesté par les personnes concernées, organisatrices machiavéliques d’un piège fatal mis en place ce matin là. Un homicide prémédité ? Richet laisse planer le doute sur le déroulement des évènements avec un champ contre-champ nerveux sur le commissaire courant au plus vite à travers la circulation parisienne, soit pour tenter d’interrompre l’exécution – pourquoi s’empresserait-il si tout est réglé d’avance ? – ou soit pour en être le premier témoin. L’Ennemi public n°1 termine sur ce corps si symbolique, dont la grimace ensanglantée que l’on retrouve sur l’affiche du film rappelle plus celle de Jésus Christ sur la croix, histoire d’un antihéros sacrifié par le système et devenu cette icône légendaire du gangster français le temps de ce diptyque.
Des implications de chacun, on notera la participation de Michel Duchaussoy en père de Jacques Mesrine, qui devait être interprété à l’origine par Jean-Pierre Cassel décédé avant le début du tournage, donnant à cette relation père-fils une sensibilité accrue, perceptible à l’écran. Mais au-delà de toute polémique, L’Instinct de mort ainsi que L’Ennemi public n°1 marquent par l’exploitation des forces de l’essentiel dans ce que le cinéma à de plus classique et de plus profond. Nous tirerons trois leçons essentielles de ce biopic. La première est démontrée par son réalisateur : Jean-François Richet est un maître d’œuvre accompli et sa mise en scène originale a su se démarquer de la cinématographie française en acceptant ses références et inspirations d’un cinéma plus commercial. Vincent Cassel nous enseigne la deuxième leçon en nous prouvant qu’un acteur peut littéralement transcender son personnage et dépasser la simple interprétation d’un rôle. La dernière sera celle que nous devrons retenir le plus. Il est nécessaire (voire vital) briser les règles du système, quitte à devenir un marginal, afin de lui permettre de s’émanciper et d’accepter son état et le cinéma français devra se résoudre un jour à admettre qu’il n’est plus qu’une au milieu de quantité d’autres exceptions culturelles.
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