1984 – France | |
82' – N&B - 35mm | |
Réalisation | Philippe Garrel |
Scénario | Philippe Garrel |
Musique | Faton Cahen |
Image | Pascal Laperrousaz |
Montage | Dominique Auvray |
Production | Institut National de la Communication Audiovisuelle |
Avec | Emmanuelle Riva, Maurice Garrel Christine Boisson, László Szabó... |
Fiche IMDB | http://www.imdb.com/title/tt0085839 |
Au-delà du cadre. Jean et Mouche sont arrivés au bout de leur amour, alors Jean décide de quitter Mouche. S’ensuit le désespoir pour Mouche. Mais de résignation, il n’en n’est pas question. Mouche est une femme qui se bat. Pour son amour et pour défendre ses idées politiques. C’est parce qu’elle va jusqu’au bout de ses convictions qu’elle sera assassinée par l’OAS. Chacun de leur côté, Mouche et Jean sont engagés auprès du FLN. La vie de Jean prend une toute autre tournure lorsqu’il rencontre Gemina avec laquelle il (ré)apprend le bonheur. A vivre aussi..
Philippe Garrel signe un film authentique sur l’attachement à l’autre. Chacun vit parce qu’il existe dans le cœur d’autrui, qu’il y a sa place. Parce qu’ils ne vivent plus ensemble, parce que Jean lui ferme son cœur, Mouche meurt. Bien sûr, Jean n’est pas directement responsable de la mort de Mouche, mais s’assurer qu’elle arrivait effectivement à son appartement, n’était pas sa priorité. Il en avait d’autres et elle est morte devant ses yeux. Sa mort permet à Jean de comprendre que l’éloignement qu’il ressentait à son égard était factice : tous les deux défendaient la même cause. Pour se protéger mutuellement, chacun s’est tu, provocant finalement la mort des deux.
Est-il vraiment question de renaissance pour Jean lorsqu’il rencontre Gemina ? Partiellement. Elle lui apporte l’énergie et la beauté de la jeunesse, mais lui a déjà vécu et avec Mouche. Leur amour au bord de la mer a un goût de paradis perdu. Peut être de paradis retrouvé car Jean restera là-bas éternellement, retrouvant ainsi la femme qu’il a perdue et rejetée. Jean meurt de la même manière que Mouche. Ne l’a-t-elle jamais quitté ? Il n’est finalement ici questions que de solitudes. Jean part et Mouche reste seule. Puis c’est l’inverse lorsque celle-ci décède. Avec Gemina, Jean n’est plus seul, mais il ne fait que combler la solitude et Gemina le sait. Elle quête et s’inquiète perpétuellement de son amour à son égard.
Philippe Garrel filme la solitude en gros plan, elle envahit tout l’espace. Mouche pleure durant de longues minutes. Nous ne sommes pas impuissants, nous assistons à la peine d’une femme qui va accepter sa situation. Nous nous imprégnons de ses émotions pour les comprendre et les partager. Il en est de même avec Gemina, assise dans le lit. Elle a compris qu’elle ne sera toujours que la « remplacante » malgré l’affection sincère que lui porte Jean. Les cadres sont serrés, les personnages semblent perdus, il n’y a plus qu’eux. Le reste du décor disparait pour se concentrer sur les personnages et eux-seuls. Spectateur et personnages se font face et s’observent. Le temps est arrêté pour ne garder que l’émotionnel et l’humain.
Alors que Philippe Garrel filme les personnages et leurs émotions dans des cadres serrés, lorsque le contexte politique est évoqué, il utilise des plans d’ensemble, des plans larges. La guerre d’Algérie constitue la toile de fond du film. Le spectateur assiste aux scènes sans véritablement y participer. Une distance, un éloignement se crée. Les personnages ne l’évoquent même pas directement. Cette distanciation est la cause de la mort de Jean et Mouche. Leurs engagements respectifs les ont finalement éloignés l’un de l’autre. Les sentiments se sont progressivement atténués parce qu’ils ne se correspondaient plus. Mais s’ils avaient été honnêtes l’un envers l’autre, se seraient-ils séparés ? Rien n’est moins sûr lorsque l’on constate la vigueur avec laquelle chacun s’impliquait pour le FLN. L’ amour compte ses heures mortes ce carton placé au début du film évoque tout ce temps perdu à se taire, plutôt qu’à faire vivre la flamme de leur amour. Cette flamme renait pour Jean lorsqu’il rencontre Gemina, mais le temps a filé et ce n’est plus Mouche à ses côtés. Tout est à reconstruire.
Maurice Garrel interprète un Jean tout à fait exceptionnel. Il incarne avec beaucoup de pudeur cet homme pas encore vieux, mais plus tout à fait jeune, en perte de repères. Il semble toujours retenir ses larmes. La vie le travaille et l’émotion nous bouleverse. Philippe filme son père couché sur le côté dans son lit et Gemina, le rejoignant, le serre dans ses bras. Ce monsieur robuste n’est en fait qu’un homme fragile qui cherche ce qu’il sait avoir perdu. Il redevient un enfant qui a besoin d’être rassuré.
Liberté, la nuit est un film qui bouleverse lentement. C’est une porte ouverte sur les émotions à la fois quotidiennes et exceptionnelles d’être humains simples et uniques. Philippe Garrel comprend le courage de ces être qui souffrent, mais ne dramatise pas leurs sentiments. Il s’agit d’un cinéma profondément vivant car il capte une réalité qui n’est pas visible. Philippe Garrel ne fait pas dans le sensationnel, ses décors sont simples pour ne pas dire minimalistes (une chambre, une plage, une rue et une façade d’immeubles) mais ce qu’il filme est ailleurs, impalpable. Le cinéaste enregistre les émotions de chacun sur pellicule. Ces sentiments ne sont pas feints, ils traversent les personnages, même au-delà ; ils traversent les acteurs eux-mêmes et le spectateur. Ce qu’il filme sort du cadre même de la fiction et rejoint la réalité.
A travers la fiction, c’est nous que Philippe Garrel filme.
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