2009 – USA, Nouvelle-Zélande, Canada, Afrique du Sud | |
112' – 1,85:1 - Couleur - 35mm / DCP | |
Réalisation | Neill Blomkamp |
Scénario | Terri Tatchell |
Musique | Clinton Shorter |
Image | Trent Opaloch |
Montage | Julian Clarke |
Production | Peter Jackson et Carolynne Cunningham |
Avec | Sharlto Copley, David James, Jason Cope... |
Fiche IMDB | http://www.imdb.com/title/tt1136608 |
Ayant sûrement comme modèle Paul Verhoeven qui avait déjà initié à la SF ironique et faussement patriotique avec Starship Troopers, Neill Blomkamp va encore plus loin dans le cynisme grâce à la forme documentaire qu’il emploie. Verhoeven dans son temps avait bien compris qu’une critique féroce de la société pouvait passer par une parodie des médias. Le jeu d’acteur chez Blomkamp est si authentique qu’il en devient encore plus faux et ironique. Voir le personnage principal tout sourire devant la caméra en expulsant dans la bonne humeur des Aliens de leur habitat ne peut que porter a rire. La bêtise humaine est à son comble dans ce « trop-plein » de vérité. Vous l’aurez compris, District 9 fait partie de cette liste d’hybrides documentaires-fictions qui se multiplient dans les années 2000. C’est du moins un docu-reportage dans sa première partie, avec à la clef interviews bidons et fausses images d’archives.
Le réalisateur s’amuse même à pousser à l’extrême toutes les différences esthétiques entre fiction et documentaire. Par exemple le fait que ce personnage principal, absolument agaçant, a sans arrêt l’envie maladive de donner la meilleure image de lui même face à la caméra, mais qui échoue lamentablement en accumulant les maladresses. Après tout, dans un documentaire, les acteurs ne jouent pas les personnages, ils sont les personnages, ils chercheront toujours a donner leur meilleure image d’eux même, et défendront leur point de vue. Dans la fiction, le cinéaste impose la psychologie du personnage. En pensant que Blomkamp mélange les deux, créant des acteurs-personnages qui réfléchissent constamment à leur image, mais qui au final ne sont des créations, on ne peut que s’imaginer sa jubilation et son plaisir cynique a peindre frontalement une société narcissique. Un cynisme pas uniquement vis-à-vis de la société, mais aussi du cinéma lui-même. Outre la frontière fiction et documentaire, c’est la frontière TV et cinéma qui est remise en cause. La TV qui mâche le travail intellectuel et réflexif du spectateur pour le détendre et l’empêcher de « zapper ». Et donc qui offre des reportages dont chaque situation et chaque rebondissement sont commentés, où tous les enjeux sont frontalement exposés, où les interviews répondent à des questions précises argumentant un sujet que le réalisateur (et surtout la production) a bien choisi à l’avance. Sans pour entrer dans une critique de la télévision, synthétisons par le fait que la TV offre de la consommation. Nous pouvons avoir espoir que le cinéma aspire à des enjeux plus « nobles » et plus artistiques, impliquant intellectuellement le spectateur pour l’obliger à aboutir à ses propres déductions. Pour cela, le scénario utilise le second degré et la suggestion, évitant comme la peste d’exposer lourdement. Claude Bailbe donnait toujours l’exemple dans ses cours de la première réplique de M le maudit, où la mère hurle aux enfants dans la cour « arrêtez cette maudite chanson ». Cette simple réplique reflète toute l’atmosphère de peur et de crainte dans laquelle sera baigné le film. Pourtant, que fait Neill Blomkamp? Il choisit le chemin de la facilité télévisuelle. Bien évidemment, tout n’est pas aussi simple qu’à la TV. Avec sa voix off mystérieuse et vague, dans une sorte de parodie de voix off de reportage, qui cherche toujours à dramatiser à l’extrême toutes les situations (voir dans les téléréalités où la voix off, d’un ton solennel et grave, explique les futurs choix Cornéliens que devront effectuer les candidats), et grâce à la frénésie du montage qui éclate les bribes d’expositions et multiplie les points de vue et interviews, le spectateur est obligé de construire mentalement et de remettre en place les pièces du puzzle et ainsi de comprendre ce qui se passe dans ce 9ième district. Petit à petit, l’incrédulité disparait, et nous nous rendons à l’évidence: malgré cet emballage « réaliste », « vrai », malgré donc cette forme documentaire, nous sommes bel et bien dans un film « surnaturel », irréel, de science-fiction. Ce sont des Aliens qui vivent dans ce district depuis 20 ans, des Aliens réfugiés, et entassés dans des camps.
Tout devient alors allégorique, métaphorique. À force d’être « ultra-réaliste », le film prend inévitablement des allures de fable, surtout quand une telle forme s’associe à un tel sujet. Car finalement, ce que nous avons là n’est rien d’autre qu’une dénonciation de la misère dans les camps de réfugiés, de la brutalité des autorités, de la peur de l’inconnu. Ce n’est pas l’étude anthropologique d’une vie extraterrestre, mais bel et bien la dissection dans ses plus grands vices d’une société humaine.
La forme documentaire que met en place Blomkamp nous place brutalement face à nos responsabilités. Il n’est pas anodin par ailleurs que ce dernier soit Sud-Africain, dans un continent où les réfugiés politiques sont nombreux, et un pays où l’apartheid a été très marqué. Suprême cynisme et ironie, après avoir été écartés de la société Sud Africaine, la communauté noire de District 9, qui a de toute évidence la mémoire courte, écarte la communauté extraterrestre avec une extrême violence. L’Homme ne retient décidément aucune leçon de son histoire.
Hélas l’excellent début du film fait place en seconde partie à de la pure série B de science-fiction. Non pas que la science-fiction soit un genre négligeable et bas de gamme, mais dans le cas de District 9, l’originalité était dans cette forme documentaire, qui est abandonnée au profit d’une forme purement fictionnelle. Mais finalement il y a peut-être un intérêt à cela. Une sorte d’expérience cinématographique: le documentaire et la fiction sont finalement proches, et il faut quelques minutes de transition pour comprendre que la forme documentaire est abandonnée. Surtout que ces faux reportages sont hyper narratifs et dramatisés. Quoi qu’il en soit, le personnage principal devient un fugitif, il s’échappe et se cache de la société_ d’où l’abandon du documentaire froid au profit de la fiction sauvage_. Nous suivons son calvaire et sa transformation progressive en Alien. L’ironie monte crescendo, et nous avons là finalement le gag classique de l’arroseur arrosé. Après avoir traqué des Aliens, il devient lui même un Alien traqué. Inutile de dire que sa métamorphose va le sensibiliser aux conditions de vie des Aliens. Cela peut faire penser à la métamorphose de Frank Kafka. Dans cette nouvelle, Kafka décrit un homme issu d’une famille bourgeoise qui se transforme du jour au lendemain en cafard géant. Cette fable est cruelle par le regard qu’elle porte à la loyauté de la famille, qui n’hésite pas à rejeter l’un des siens s’il devient différent. Disctrict 9, comme la métamorphose, rappelle à quel point l’homme est égoïste, et qu’à côté de ces aliens, c’est lui, le véritable monstre.
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