Récréations / Harmonica

jeux d’enfants, théâtre politique

Que sont les jeux des enfants, face au sérieux du monde adulte ? On peut y voir la mimique pas si exagérée de ce que les petits retiennent des grands. “Le monde de l’enfance, tout comme celui de l’école, représente alors un ordre social en miniature, où s’exercent les mêmes principes d’ordre et de désordre, de pouvoir, de système normatif que dans la société. L’enfant devient un prétexte pour une réflexion politique.1” Si l’on se met à leur hauteur, comme Claire Simon dans Récréations et Amir Naderi dans Harmonica, on perçoit un autre souffle, celui d’une rébellion qui gronde dans certaines paroles et actes d’émancipation. À l’écart du regard adulte, les enfants jouent la naissance et l’instauration du pouvoir, jusqu’à ce que les rires cessent.

Récréations est un documentaire filmé dans une cour d’école. Claire Simon filme les jeux des écoliers avec une caméra vidéo. Le titre est à entendre aussi comme “re-création” des travers des adultes. La cour devient le lieu d’une hétérotopie pessimiste où résonnent les rires et les cris. Et c’est dans les moments de silence, de solitude, que des nouvelles règles du jeu apparaissent, alternatives salvatrices à celles tyranniques des petits chefs. L’imagination trouve des parades à la cruauté.

Harmonica est une commande du Kanoun, un institut pour l’éducation des enfants en Iran, qui a produit des films d’Amir Naderi. Ce dernier détourne les commandes en réalisant des films critiques, prônant l’affirmation de soi. Dans Harmonica, un système autoritaire se met en place au sein d’une bande d’enfants, lorsque l’un des leurs entre en possession d’un harmonica. Les autres rivalisent d’offrandes pour bénéficier quelques secondes de cet objet précieux. Le combat entre verticalité et horizontalité guide la mise en scène. Le film sort en 1973, six ans avant la révolution iranienne.

Les inégalités, la domination, peuvent toujours être renversées : il suffit de changer les règles du jeu.

Marion Brouant