Graines au vent / Le Petit fugitif
Fugue à Coney Island
Le petit Fugitif conte la fuite du petit Joey, après que son frère aîné lui ait fait croire qu’il était mort par sa faute. Le premier passe la journée et la nuit à Coney Island, tandis que son frère tente de le retrouver avant que leur mère ne rentre à la maison.
Reprenant du néo-réalisme le tournage sans acteurs professionnels, le film est également réalisé dans les décors authentiques de Brooklyn et de Coney Island, au milieu de la foule qui fréquentait à cette époque cette plage et parc d’attraction populaire de la classe moyenne. L’effet de vérité du film hérite aussi des caractéristiques singulières de la petite caméra mise au point par M. Engel et C. Woodruff, sorte de prototype de la Steadicam, plus tard utilisée par Kubrick ou Godard. À l’instar du Rolleiflex, le viseur se situant sur le dessus, l’appareil était tenu contre la taille et non devant le visage. Il était de ce fait plus stable et moins visible. Il confère surtout au film une esthétique de la mobilité singulière, plaçant le regard du spectateur au niveau des yeux du petit fugitif, offrant davantage de conviction à son point de vue sur le monde.
Ce petit film indépendant réalisé en dehors du système Hollywoodien connut un succès retentissant. Récompensé par le Lion d’argent lors de la 14e Mostra de Venise et nominé aux Oscars (meilleur scénario), son style naturaliste a inspiré Truffaut pour Les 400 coups et est un véritable fétiche pour tous les jeunes réalisateurs de La nouvelle vague française.
Porté par la liberté irrévérencieuse du moment, le marseillais Paul Carpita – qui avait vu son premier long métrage censuré1e Rendez-vous des quais (1955) censuré pendant 34 ans, jusqu’à sa ressortie en 1981. – réalise plusieurs courts, dont Graines au vent en 1963. On y retrouve la même célébration poétique de l’enfance, le même besoin d’évasion dans l’imaginaire, la même spontanéité, et le jeune Alain, qui fait l’école buissonnière le long du port, explorant les environs, jouant, et observant les dockers au travail. Il découvre par cette promenade la solidarité ouvrière, qui fait alors écho aux grèves historiques des dockers marseillais contre la guerre d’Indochine et à la mémoire de la guerre d’Algérie qui venait de se terminer.
Natalia Sanchez et Simon Cozette
- 1e Rendez-vous des quais (1955) censuré pendant 34 ans, jusqu’à sa ressortie en 1981.