La Nuit du chasseur

le grand méchant loup

Le long d’une rivière, dans une barque, s’enfuient deux enfant, un frère et une sœur, Pearl et John, pour échapper à un homme malveillant, le pasteur Harry Powell. Si cette célèbre scène marque un moment de danger, celui de la poursuite par un chasseur dans la nuit, elle est aussi révélatrice d’un monde féerique, bercé par la voix de Pearl en train de chanter. L’imaginaire des enfants est non seulement une échappatoire des difficultés de la réalité mais aussi un langage intermédiaire, une façon de comprendre le monde des adultes¹BACHLER, Laurent, « Trois représentations cinématographiques de l’enfance », in L’enfance, une grande question philosophique. Toulouse, Érès, 2021.

Sorti en 1955, ce premier et unique long métrage de Charles Laughton, plus connu en tant qu’acteur, notamment dans Quasimodo ou La Vie privée d’Henri VIII, fait parti de ces films états-uniens d’après-guerre où, à l’instar des Contrebandiers de Moonfleet, les cinéastes choisissent davantage des personnages enfants. Mêlant thriller, drame et western, ce film se situe dans une contrée rurale où Pearl et John sont poursuivis par un pasteur meurtrier, incarné par Robert Mitchum, qui cherche à tout prix de leur voler l’argent dont ils ont hérité. Là où certains contes marquent une lutte entre l’être humain ingénu avec des créatures démoniaques, le récit de La Nuit du chasseur fait se confronter deux générations : Pearl et John à différents types d’adultes. Sur une approche plus métaphorique, il montre une enfance traquée trop tôt par l’âge adulte dont ils sont encore bien loin. Ce film, aux caractéristiques binaires, montre une jeunesse saturée et responsable de la société à laquelle ils sont pourtant censés en être nourris et stimulés pour mieux grandir. Il est un espace où deux enfants, responsables malgré eux, sont étroitement séparés du grand méchant loup.

Clémence Ehkirch

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  BACHLER, Laurent, « Trois représentations cinématographiques de l’enfance », in L’enfance, une grande question philosophique. Toulouse, Érès, 2021